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Suspension ou annulation d’un document d’aviation canadien pour des raisons d’« inaptitude »

par Jean-François Mathieu, LL. B., chef, Application de la loi en aviation, Normes, Aviation civile, Transports Canada

Des numéros précédents de Sécurité aérienne — Nouvelles (SA—N) contiennent des articles qui décrivent les instructions visant le personnel no SUR-014, 015 et 016 récemment publiées — les documents d’orientation internes de l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC) liés à la suspension ou à l’annulation d’un document d’aviation canadien (DAC) ou à la révocation de postes de gestion approuvés par le ministre. Le premier article présentait ces instructions visant le personnel de TCAC et indiquait que de futurs articles aborderaient plus en profondeur la question du pouvoir conféré par la loi au ministre pour prendre des mesures relatives aux certificats, c.-à-d., la suspension ou l’annulation de DAC, comme des licences ou des certificats. Le deuxième article de cette série décrivait la suspension d’un DAC en vertu du paragraphe 7.(1) de la Loi sur l’aéronautique (la Loi), qui permet à un inspecteur de TCAC d’intervenir en cas de « danger immédiat pour la sécurité aérienne ». Le présent article portera sur le pouvoir du ministre de prendre des mesures relatives aux certificats lorsque « le titulaire du document est inapte ».

Le paragraphe 7.1(1) de la Loi précise que le ministre peut prendre des mesures relatives aux certificats pour d’autres motifs de sécurité qu’une situation qui représente un danger immédiat pour la sécurité aérienne. Les trois raisons sont énoncées aux alinéas 7.1(1)a), b) et c) de la Loi :

  1. le titulaire du document est inapte;
  2. le titulaire ou l’aéronef, l’aéroport ou autre installation ne répond plus aux conditions de délivrance ou de maintien en état de la validité du document;
  3. le ministre estime que l’intérêt public, notamment en raison des antécédents aériens du titulaire ou de tel de ses dirigeants – au sens du règlement […] –, le requiert.

La signification du terme « inapte », en vertu de l’article 7.1(1)a de la Loi, est un concept fondamental qui doit être bien compris. Ce terme clé n’est pas expressément défini dans la Loi ou le Règlement de l’aviation canadien (RAC). À titre de documents d’orientation, nous pouvons tenir compte des définitions des dictionnaires, ainsi que des décisions prises par le Tribunal d’appel des transports du Canada (TATC).

Le Petit Robert définit le terme « inapte » comme suit :

  • qui n’est pas apte, qui manque d’aptitude;
  • individu physiquement incapable de vivre normalement.1

Le Trésor de la langue française informatisé définit, pour sa part, le terme « inapte » comme suit :

  • qui n’est pas apte à (quelque chose);
  • qui n’a pas les aptitudes ou les dispositions pour (quelque chose);
  • qui n’a pas les aptitudes pour remplir une fonction déterminée.2

Dans ce contexte, le terme « inapte » correspond à l’incapacité d’accomplir les activités nécessaires. Par conséquent, il s’agit d’une incapacité, plutôt que d’une réticence, à se conformer.

Le TATC3 a auparavant rendu des décisions sur le concept de l’« inaptitude » et a adhéré à un ensemble de principes qui sont énumérés dans Mason v. The Registered Nurses’ Association of British Columbia :

  1. La définition particulière d’« inaptitude » devrait prendre son sens en fonction de l’objectif de la loi dans lequel le terme figure.
  2. Toutes les définitions d’« inaptitude » mettent l’accent sur le manque d’habileté, de capacité ou d’aptitude dans un but particulier.
  3. Le manque de capacité, d’habileté ou d’aptitude peut provenir d’un manque d’attributs physiques ou mentaux. Toutefois, une personne qui ne manque pas d’attributs physiques ou mentaux peut être inapte en raison d’un manque de disposition à utiliser ses habiletés et son expérience de façon appropriée.
  4. La négligence et l’inaptitude ne sont pas des termes interchangeables. Une personne apte peut quelquefois être négligente sans être inapte. Par ailleurs, une négligence habituelle peut constituer de l’inaptitude.
  5. Un simple acte de négligence dénudé de circonstances qui tendent à démontrer de l’inaptitude ne peut en soi représenter de l’inaptitude.4

Le TATC a également précisé le premier principe : « L’objectif du texte législatif dans lequel figure l’inaptitude (soit la Loi sur l’aéronautique) est la sécurité aérienne ».”5

Après une période raisonnablement longue, on peut déterminer que des éléments de preuve qui font état d’une incapacité à se conformer à la réglementation et aux normes témoignent d’un état d’inaptitude; un ou deux manquements ne constituent pas un motif suffisant pour justifier l’inaptitude. La preuve utilisée par le ministre pour appuyer la prise de mesures relatives aux certificats est présentée dans l’avis de suspension ou l’avis d’annulation délivré au titulaire du document. Il incombe au ministre de prouver, selon la prépondérance des probabilités [paragraphe 15.(5) de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada], que les mesures relatives aux certificats sont justifiées.

Il existe souvent des caractéristiques semblables ou un rapport entre les circonstances et les critères servant à appuyer une mesure relative aux certificats prise en vertu de diverses dispositions du paragraphe 7.1(1) de la Loi. Par exemple, d’importants antécédents de non-conformité peuvent se traduire par la prise de mesures relatives aux certificats en vertu de l’alinéa 7.1(1)a) (inaptitude), ou de l’alinéa 7.1(1)c) (intérêt public). Afin d’appuyer une mesure relative aux certificats prise en vertu de l’alinéa 7.1(1)a) — basée sur l’inaptitude du titulaire du DAC — il faut être en mesure de montrer que les agissements répétés de non-conformité sont le résultat d’une incapacité, plutôt que d’une réticence, à se conformer. En comparaison, un comportement non conforme répété, qui n’est pas basé sur l’inaptitude, mais plutôt motivé par des objectifs d’ordre commercial ou financier, appuierait la prise de mesures relatives aux certificats en vertu de l’alinéa 7.1(1)c), pour des raisons d’intérêt public. Compte tenu des éléments de preuve disponibles, TCAC déterminera les mesures appropriées à prendre.

La Loi et le RAC contiennent de nombreuses exigences législatives qui précisent la forme et le contenu d’un avis de suspension ou d’un avis d’annulation. Une mesure relative aux certificats en vertu d’une disposition du paragraphe 7.1(1) de la Loi n’est pas prise en réaction à un danger immédiat pour la sécurité aérienne [le paragraphe 7.(1) de la Loi porte sur les dangers immédiats pour la sécurité]. Par conséquent, étant donné qu’aucun danger immédiat pour la sécurité aérienne n’existe, le titulaire d’un DAC obtient une date d’entrée en vigueur de la suspension ou de l’annulation qui est ultérieure à la date de signification de l’avis (généralement 30 jours). L’avis comprendra une description claire et précise de l’inaptitude alléguée. Dans le cas d’une suspension, étant donné que les suspensions en vertu de ce paragraphe de la Loi se concentrent sur des questions relatives à la sécurité, aucune durée ne sera stipulée pour la suspension. Toutefois, un avis de suspension comprendra les conditions nécessaires pour résoudre ou rectifier l’inaptitude (il peut y en avoir plusieurs) afin de mettre fin à la suspension.

En raison de la nature de l’« inaptitude » telle que définie ci-dessus, les mesures relatives aux certificats pour cette raison ne sont applicables qu’à une personne; elles ne s’appliquent pas à une société.

L’avis de suspension ou d’annulation précise que le destinataire doit remettre le DAC au ministre immédiatement après l’entrée en vigueur de la suspension ou de l’annulation. Il s’agit d’une exigence de l’article 103.03 du RAC. Le refus (ou le défaut) de remettre le DAC au ministre à la suite d’une suspension ou d’une annulation constitue une infraction à cet article du RAC.

Ce type de mesures relatives aux certificats pourrait faire l’objet d’un examen par le TATC. Toute personne ayant reçu un avis de suspension ou un avis d’annulation pour « inaptitude » peut demander une révision de la décision du ministre auprès du TATC.

Pour de plus amples renseignements à ce sujet, veuillez consulter l’Instruction visant le personnel no SUR-014.


1 Le Petit Robert (en ligne)

2 Le Trésor de la langue française informatisé (en ligne)

3 Dossier du TATC no C-3128-21

4 Mason v. The Registered Nurses’ Association of British Columbia, 102 D.L.R. (3d) 225

5 Dossier du TATC no A 1789 25, p. 10

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