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À la lettre

Perte de maîtrise directionnelle sur la piste

Monsieur le rédacteur,

Après avoir lu le rapport final A97Q0015 du Bureau de la sécurité des transports du Canada dont était tiré un article intitulé « Les classiques du CRM - Décollage mouvementé » dans le numéro 4/98 de Sécurité aérienne – Nouvelles, j'ai été frappé que ne soit mentionnée qu'en passant, sans plus d'attention, ce que je crois être la cause réelle de l'accident.

Il est vrai que, du point de vue de la gestion des ressources de l'équipage (CRM), l'équipage a enchaîné erreur sur erreur. Cependant la cause première de l'accident semble bien avoir été la perte de maîtrise directionnelle sur la piste. Je suis prêt à parier que le pilote aux commandes n'avait pas, ou pas assez suffisamment, braqué les ailerons dans le vent. J'en étais arrivé à cette conclusion lorsque j'ai décidé de jeter un nouveau coup d'oeil au rapport afin de vérifier l'alignement de la piste et la direction du vent. J'étais tombé dans le mille : des vents de travers à 50 degrés soufflant à 20 noeuds avec des rafales de 30 noeuds!

Ayant supervisé des pilotes pendant des années, je suis toujours surpris de l'absence totale d'attention prêtée au braquage des ailerons, que ce soit au décollage ou à l'atterrissage. Il semble que c'est la première chose que les pilotes s'empressent d'oublier après avoir obtenu leur licence de pilote privé, alors qu'un tel ajustement est pourtant essentiel si l'on désire pouvoir garder la maîtrise directionnelle de son appareil. Sur une surface mouillée, verglacée ou bien boueuse et par vent de travers, l'appareil aura tendance à dériver dans le vent durant sa course, et ce tant au décollage qu'à l'atterrissage. Le braquage des ailerons permet de contrecarrer cette tendance. Il arrive, dans des conditions extrêmes, que les ailerons, même complètement braqués, se révèlent insuffisants mais il s'avère alors généralement que, dans de telles conditions, le seuil de tolérance de l'appareil aux vents de travers a été outrepassé.

Même sur une surface extrêmement verglacée, une utilisation mesurée des ailerons permet de garder une bonne maîtrise directionnelle de l'appareil par vent de travers, pour peu que l'on effectue les manoeuvres appropriées. La plupart des appareils, s'ils n'ont pas trop de volets, supportent assez bien de genre de régime. Par conséquent, sachant que la plupart des jeunes pilotes volent sur des appareils munis d'un train avant et ne disposant que de peu de volets et, qui plus est, qu'ils sont rarement confrontés à des vents de travers sur une piste glissante, il ne faut pas s'étonner que leur niveau de compétence soit si faible. Ajoutez à cela une mauvaise maîtrise technique et vous êtes bon pour une catastrophe.

Certains diront qu'on peut également compenser une tendance à la dérive en jouant sur la différence de puissance des moteurs mais l'utilisation de cette technique qui fait appel au lacet peut produire un effet de girouette. En outre, les réglages de puissance doivent être modifiés et, pour peu que la puissance ait dû être réglée au maximum, le pilote se voit dès lors obligé de réduire la puissance à un moment critique et, de plus, de prolonger sa course au sol. Une bonne utilisation des ailerons permet en général d'éviter d'avoir à modifier la puissance des moteurs.

Le rapport se contente d'indiquer que « ... il semble que la perte de maîtrise directionnelle a été provoquée par l'état de la piste, les conditions environnementales et la prise tardive de mesure de correction ». Nulle part n'est indiquée la façon dont le pilote aux commandes avait (ou n'avait pas) réglé ces dernières. Je n'aime pas bâtir des hypothèses sur du vent mais, d'après mon expérience, ce pilote n'est que trop représentatif de ce que j'ai observé bien des fois et c'est pourquoi j'aimerais bien savoir s'il a compris son erreur et sera capable de faire face la prochaine fois. À tous les pilotes qui dérivent sur la piste sans savoir pourquoi : vérifiez donc la position de vos ailerons!

Avec mes sincères salutations,
John Warner
Leduc (Alberta)


Monsieur le rédacteur,

Dans le numéro 4/98 de Sécurité aérienne - Nouvelles, l'article « Les classiques du CRM – Décollage mouvementé » insiste plus particulièrement sur le fait que l'exposé au décollage du copilote était insuffisant et que celui-ci, par la suite, n'a pas informé le commandant de bord des difficultés qu'il éprouvait à garder la maîtrise directionnelle et enfin qu'il a fait une annonce non réglementaire, à savoir « j'ai atteint la vitesse ». Lisant des phrases telles que « Le commandant n'aurait peut-être pas coupé les gaz si le copilote avait annoncé de façon claire et précise la perte de maîtrise directionnelle et son intention de poursuivre le décollage » ou « le commandant a eu très peu de temps pour analyser la situation », le lecteur serait porté à croire que le pauvre commandant n'a été victime que d'un malheureux concours de circonstances.

Mais, d'après ce que vous en dites, c'est le commandant de bord qui est le principal responsable de l'accident. La première chose que l'on m'a appris lors de ma formation en équipage de deux, c'est que, sur ordre du pilote aux commandes (le copilote dans notre cas), le pilote qui n'est pas au commande (ici le commandant de bord) ajuste et maintient la puissance de décollage, surveille les instruments des moteurs et l'anémomètre et doit faire toutes les annonces de l'exposé au décollage avec suffisamment de force et de clarté pour que le pilote aux commandes puisse les entendre. Le pilote qui n'est pas aux commandes n'est déchargé de cette responsabilité que lorsque la puissance de montée a été affichée. Si le commandant de bord avait respecté cette règle élémentaire de gestion des ressources de l'équipage (CRM), il n'y aurait pas eu d'accident et cela quelles que'aient pu être les fautes commises par le copilote. Cet accident ne s'est produit que parce que le commandant de bord n'a pas annoncé V1 avec suffisamment de force et de clarté et a commis le péché mortel d'abandonner ses responsabilités pour pouvoir regarder par la fenêtre. Le lecteur est dès lors en droit de se demander quel est le rôle joué dans la perte de maîtrise directionnelle par le réglage asymétrique de la puissance effectué par un pilote qui n'est pas aux commandes et qui préfère regarder par la fenêtre plutôt que d'assumer ses responsabilités.

Avec mes sincères salutations,
Ian Shipmaker
Salmon Arm (C.-B.)

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