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Pris au piège par la bruine verglaçante

Nous évoquons souvent les dangers que représentent, en vol, les précipitations verglaçantes mais nous disposons de relativement peu de rapports sur des évènements dans lesquels elles ont joué un rôle décisif. Le cas suivant, tiré du rapport final A97O0032 du Bureau de la sécurité des transports (BST), vous glacera d'effroi.

Le Cessna 208B Caravan a quitté Hamilton (Ontario), le 4 mars 1997 à 7 h 15, heure normale de l'Est (HNE), pour un vol de transports de marchandises suivant des règles de vol aux instruments (IFR) à destination de l'aéroport de Barrie-Orillia (Lake Simcoe Regional Airport). L'appareil volait à 5 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et se trouvait à environ 15 NM au sud-ouest de l'aéroport et suivait un faisceau de radioguidage en direction de ce dernier. Le pilote, qui était seul à bord, est descendu à 3 000 pi ASL et a effectué une approche VOR/DME complète. Alors qu'il se rapprochait de l'aéroport, un employé de la compagnie lui a demandé s'il comptait atterrir car les conditions météorologiques étaient mauvaises. Il a répondu qu'il allait se décider d'ici quelques instants puis a presque immédiatement indiqué qu'il effectuait une approche normale par la gauche sur la piste 28. L'appareil s'est écrasé peu de temps après et le pilote a été tué dans l'accident.

Lorsqu'il a heurté le sol, l'appareil se trouvait en piqué prononcé et était incliné sur la gauche. C'est l'extrémité de l'aile gauche qui a, la première, touché le sol à 240 pi du seuil de la piste 28. La trace laissée au sol par l'extrémité de l'aile était alignée sur l'axe de la piste tandis que la trainée de débris était orientée sur un cap magnétique de 330°.

On a remarqué une accumulation de givre blanc et de givre transparent combinés sur les surfaces d'attaque non protégées de l'appareil, mais les parties qui étaient équipées de panneaux antigivrage étaient presque totalement dépourvues de glace. Les plus gros fragments du pare-brise étaient recouverts de glace tandis que la partie chauffée du panneau antigivrage du pare-brise en était dépourvue.

L'appareil était équipé contre le givre au moyen de l'ensemble Known Icing Equipment (équipement pour des conditions de givrage connues) du fabricant, qui comprenait des gaines de dégivrages pneumatiques sur les bords d'attaque et les haubans des ailes, ainsi que sur les stabilisateurs verticaux et horizontaux, des gaines de dégivrage électrique sur les pales des hélices, un panneau antigivrage électrique et détachable pour le pare-brise, un circuit anémométrique chauffant et une source d'alimentation électrique de secours. L'air de prélèvement du moteur était censé assurer le chauffage de la cabine et le dégivrage du pare-brise mais les commandes avaient été réglées de façon à ce que l'air chaud soit uniquement dirigé vers l'avant de la cabine et le dégivrage du pare-brise n'avait pas été sélectionné. Le panneau antigivrage du pare-brise mesurait environ 19 po de haut sur 19 po de large.

Le pilote pouvait consulter une prévision de zone (FA) et celle-ci indiquait pour la zone de vol prévue un ciel en grande partie nuageux à 2 500 pi ASL, une visibilité de 6 SM ou plus (réduite par moment de 3 à 6 SM par de légères chutes de neige) puis une visibilité pouvant se réduire, par moment, de ¾ à 3 SM avec de légères chutes de neige et des plafonds de stratus/neige oscillant entre 600 et 1 000 pi ASL; des plafonds de stratus entre 500 et 1 000 pi ASL; et enfin une visibilité d'un demi-mille SM terrestre dans la faible bruine verglaçante, de la faible bruine, un léger brouillard verglaçant et enfin un léger brouillard provenant par vague des Grands Lacs. Du givre blanc, faible à modéré, était prévu au-dessus du niveau de congélation et un mélange de givre modéré et de faible bruine verglaçante était prévu au-dessous de 4 000 pi. Le point de congélation se trouvait au niveau ou près du niveau de la surface.

L'aéroport de Toronto/Buttonville était l'aéroport le plus proche pouvant fournir une prévision d'aérodrome (TAF) au pilote. La prévision établie à minuit le 3 mars (23 h 30 HNE) prévoyait pour la matinée (après 7 h 00) : vent du 40 degrés vrais à 8 noeuds, visibilité de 4 SM dans la brume et un plafond nuageux à 2 000 pi au-dessus du sol (AGL). La prévision indiquait que les conditions pourraient temporairement se détériorer entre 7 h 00 et 12 h 00 avec une visibilité tombant à 1 SM dans la brume et un plafond nuageux s'abaissant à 800 pi ASL.

Le rapport final n'indique pas si le pilote avait lu la prévision de zone ou s'il avait, ou non, demandé en cours de vol une mise à jour des conditions météorologiques. L'enquête a simplement permis d'établir qu'avant de commencer sa descente d'approche, le pilote ne savait probablement pas qu'une bruine verglaçante tombait sur l'aéroport. Lorsque le pilote a commencé son approche, et même avant, plusieurs témoins ont indiqué qu'une bruine verglaçante tombait depuis un certain temps sur l'aéroport de Barrie-Orillia et dans les environs.

Étant donné que le radial d'approche finale du VOR/DME, en provenance du sud-est coupe la piste 10/28 selon un angle de 29°, il est nécessaire, pour atterrir, d'effectuer une approche indirecte, et cela quelle que soit l'orientation de la piste utilisée. Un balisage de piste était disponible au moyen du balisage lumineux d'aérodrome télécommandé (ARCAL), mais le pilote ne l'a pas allumé. La piste était recouverte d'une légère poudreuse et d'une fine pellicule de grésil au moment où le pilote a effectué son approche. Aucun appareil n'avait atterri sur cette piste, ou n'en avait décollé, ce matin-là avant que ne se produise l'accident.

Le vol s'est apparemment déroulé sans encombre jusqu'à ce que le pilote ne descende à plus basse altitude au moment de son approche vers l'aéroport et ne rencontre probablement une bruine verglaçante au-dessous de 4 000 pi. Voler dans une bruine verglaçante peut entraîner l'accumulation de givre transparent sur les surfaces non protégées de l'appareil et, plus particulièrement, sur le pare-brise. Au cours des derniers instants de l'approche, la visibilité vers l'avant était probablement limitée à la portion du pare-brise protégée contre le givre grâce au panneau antigivrage électrique et détachable, ce qui rendait toute manoeuvre d'approche indirecte serrée très risquée. L'accumulation de glace sur la cellule de l'appareil réduisant les performances de ce dernier, le pilote aurait dû, durant l'approche, maintenir l'appareil à une vitesse supérieure à la normale.

Le ciel gris et couvert, la bruine verglaçante réduisant la visibilité en vol et l'absence de guidage sur le plan vertical durant l'approche, le tout combiné à la présence d'une couche uniforme de poudreuse légère sur la piste, empêchait le pilote de bien évaluer visuellement son altitude au-dessus du sol au cours de l'approche finale. Ayant aperçu la piste alors qu'il se trouvait déjà à proximité de l'aéroport à la suite d'une procédure d'approche IFR de non-précision, le pilote a décidé de manoeuvrer afin d'effectuer un atterrissage immédiat sur la piste 28. En raison de la courte distance qui le séparait de la piste, ce dernier a dû effectuer un virage en piqué serré sur la gauche afin d'aligner son appareil en vue de l'atterrissage, une manoeuvre déconseillée dans le cas d'une approche indirecte. L'accumulation rapide de givre transparent sur la cellule de l'appareil et la piètre visibilité ont pu peser sur son choix de tenter un atterrissage immédiat plutôt que de suivre la procédure d'approche indirecte appropriée.

Bien que des conditions de givrage aient été annoncées sur la route prévue pour le vol, le rapport n'aborde pas la question de la planification avant-vol par le pilote, ce qui ne permet pas de juger sa décision d'exposer l'appareil à des conditions de givrage prévues. Le C208 est certifié pour le vol en conditions de givrage connues conformément au chapitre 523 du Manuel de navigabilité, qui se réfère aux critères de certification pour le givrage formulés dans la Federal Aviation Regulations, mais celui-ci ne fait pas état du vol dans une faible bruine verglaçante ou dans un faible brouillard verglaçant.

Le BST n'a pas pu établir la raison pour laquelle l'appareil avait heurté le sol durant son virage d'approche finale mais indique que l'accident est probablement dû au fait que le pilote a mal évalué sa hauteur au dessus du sol ou que l'appareil a décroché en raison de la glace accumulée sur ses ailes. Quelles que soient les raisons techniques ou physiques ayant causé l'écrasement, on ne peut s'empêcher de se demander quels motifs ont pu pousser le pilote à continuer son vol dans des conditions de givrage connues.

La nécessité de se rendre à destination? Très probablement. Mais pourquoi le pilote n'a-t-il pas utilisé le dégivrage du pare-brise? S'agit-il d'un oubli ou d'une mauvaise connaissance des équipements de l'appareil? S'il était au courant des différents dispositifs de dégivrage de l'appareil et s'il en connaissait le fonctionnement, nul doute que le système de dégivrage du pare-brise aurait été allumé. Pourquoi n'a-t-il pas tiré profit de la prévision de zone? était-elle pour lui, comme pour une bonne moitié des pilotes du pays, trop difficile à interpréter? Si l'on y réfléchit, les causes réelles de l'accident ont peu rapport avec les circonstances dans lesquelles l'écrasement a eu lieu, et c'est pourquoi il est préférable de s'intéresser aux circonstances qui ont mené à l'écrasement plutôt qu'au résultat.

Une dernière question : que pensez-vous des prévisions de zone? Je serais prêt à parier que, comme la plupart des pilotes, vous ne les aimez pas car elles sont difficiles à lire et à interpréter et, surtout, parce qu'il est difficile de se faire une image précise des conditions météorologiques. Eh bien, tout cela est sur le point de changer car, au format actuel des prévisions de zone se substituera bientôt une représentation graphique, similaire à celle des cartes météorologiques, qui les rendra bien plus faciles à interpréter.

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