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Suspension ou annulation d’un document d’aviation canadien pour des raisons d’« inaptitude »

par Jean-François Mathieu, LL. B., chef, Application de la loi en aviation, Normes, Aviation civile, Transports Canada

Des numéros précédents de Sécurité aérienne — Nouvelles (SA—N) contiennent des articles qui décrivent les instructions visant le personnel no SUR-014, 015 et 016 récemment publiées — les documents d’orientation internes de l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC) liés à la suspension ou à l’annulation d’un document d’aviation canadien (DAC) ou à la révocation de postes de gestion approuvés par le ministre. Le premier article présentait ces instructions visant le personnel de TCAC et indiquait que de futurs articles aborderaient plus en profondeur la question du pouvoir conféré par la loi au ministre pour prendre des mesures relatives aux certificats, c.-à-d., la suspension ou l’annulation de DAC, comme des licences ou des certificats. Le deuxième article de cette série décrivait la suspension d’un DAC en vertu du paragraphe 7.(1) de la Loi sur l’aéronautique (la Loi), qui permet à un inspecteur de TCAC d’intervenir en cas de « danger immédiat pour la sécurité aérienne ». Le présent article portera sur le pouvoir du ministre de prendre des mesures relatives aux certificats lorsque « le titulaire du document est inapte ».

Le paragraphe 7.1(1) de la Loi précise que le ministre peut prendre des mesures relatives aux certificats pour d’autres motifs de sécurité qu’une situation qui représente un danger immédiat pour la sécurité aérienne. Les trois raisons sont énoncées aux alinéas 7.1(1)a), b) et c) de la Loi :

  1. le titulaire du document est inapte;
  2. le titulaire ou l’aéronef, l’aéroport ou autre installation ne répond plus aux conditions de délivrance ou de maintien en état de la validité du document;
  3. le ministre estime que l’intérêt public, notamment en raison des antécédents aériens du titulaire ou de tel de ses dirigeants – au sens du règlement […] –, le requiert.

La signification du terme « inapte », en vertu de l’article 7.1(1)a de la Loi, est un concept fondamental qui doit être bien compris. Ce terme clé n’est pas expressément défini dans la Loi ou le Règlement de l’aviation canadien (RAC). À titre de documents d’orientation, nous pouvons tenir compte des définitions des dictionnaires, ainsi que des décisions prises par le Tribunal d’appel des transports du Canada (TATC).

Le Petit Robert définit le terme « inapte » comme suit :

  • qui n’est pas apte, qui manque d’aptitude;
  • individu physiquement incapable de vivre normalement.1

Le Trésor de la langue française informatisé définit, pour sa part, le terme « inapte » comme suit :

  • qui n’est pas apte à (quelque chose);
  • qui n’a pas les aptitudes ou les dispositions pour (quelque chose);
  • qui n’a pas les aptitudes pour remplir une fonction déterminée.2

Dans ce contexte, le terme « inapte » correspond à l’incapacité d’accomplir les activités nécessaires. Par conséquent, il s’agit d’une incapacité, plutôt que d’une réticence, à se conformer.

Le TATC3 a auparavant rendu des décisions sur le concept de l’« inaptitude » et a adhéré à un ensemble de principes qui sont énumérés dans Mason v. The Registered Nurses’ Association of British Columbia :

  1. La définition particulière d’« inaptitude » devrait prendre son sens en fonction de l’objectif de la loi dans lequel le terme figure.
  2. Toutes les définitions d’« inaptitude » mettent l’accent sur le manque d’habileté, de capacité ou d’aptitude dans un but particulier.
  3. Le manque de capacité, d’habileté ou d’aptitude peut provenir d’un manque d’attributs physiques ou mentaux. Toutefois, une personne qui ne manque pas d’attributs physiques ou mentaux peut être inapte en raison d’un manque de disposition à utiliser ses habiletés et son expérience de façon appropriée.
  4. La négligence et l’inaptitude ne sont pas des termes interchangeables. Une personne apte peut quelquefois être négligente sans être inapte. Par ailleurs, une négligence habituelle peut constituer de l’inaptitude.
  5. Un simple acte de négligence dénudé de circonstances qui tendent à démontrer de l’inaptitude ne peut en soi représenter de l’inaptitude.4

Le TATC a également précisé le premier principe : « L’objectif du texte législatif dans lequel figure l’inaptitude (soit la Loi sur l’aéronautique) est la sécurité aérienne ».”5

Après une période raisonnablement longue, on peut déterminer que des éléments de preuve qui font état d’une incapacité à se conformer à la réglementation et aux normes témoignent d’un état d’inaptitude; un ou deux manquements ne constituent pas un motif suffisant pour justifier l’inaptitude. La preuve utilisée par le ministre pour appuyer la prise de mesures relatives aux certificats est présentée dans l’avis de suspension ou l’avis d’annulation délivré au titulaire du document. Il incombe au ministre de prouver, selon la prépondérance des probabilités [paragraphe 15.(5) de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada], que les mesures relatives aux certificats sont justifiées.

Il existe souvent des caractéristiques semblables ou un rapport entre les circonstances et les critères servant à appuyer une mesure relative aux certificats prise en vertu de diverses dispositions du paragraphe 7.1(1) de la Loi. Par exemple, d’importants antécédents de non-conformité peuvent se traduire par la prise de mesures relatives aux certificats en vertu de l’alinéa 7.1(1)a) (inaptitude), ou de l’alinéa 7.1(1)c) (intérêt public). Afin d’appuyer une mesure relative aux certificats prise en vertu de l’alinéa 7.1(1)a) — basée sur l’inaptitude du titulaire du DAC — il faut être en mesure de montrer que les agissements répétés de non-conformité sont le résultat d’une incapacité, plutôt que d’une réticence, à se conformer. En comparaison, un comportement non conforme répété, qui n’est pas basé sur l’inaptitude, mais plutôt motivé par des objectifs d’ordre commercial ou financier, appuierait la prise de mesures relatives aux certificats en vertu de l’alinéa 7.1(1)c), pour des raisons d’intérêt public. Compte tenu des éléments de preuve disponibles, TCAC déterminera les mesures appropriées à prendre.

La Loi et le RAC contiennent de nombreuses exigences législatives qui précisent la forme et le contenu d’un avis de suspension ou d’un avis d’annulation. Une mesure relative aux certificats en vertu d’une disposition du paragraphe 7.1(1) de la Loi n’est pas prise en réaction à un danger immédiat pour la sécurité aérienne [le paragraphe 7.(1) de la Loi porte sur les dangers immédiats pour la sécurité]. Par conséquent, étant donné qu’aucun danger immédiat pour la sécurité aérienne n’existe, le titulaire d’un DAC obtient une date d’entrée en vigueur de la suspension ou de l’annulation qui est ultérieure à la date de signification de l’avis (généralement 30 jours). L’avis comprendra une description claire et précise de l’inaptitude alléguée. Dans le cas d’une suspension, étant donné que les suspensions en vertu de ce paragraphe de la Loi se concentrent sur des questions relatives à la sécurité, aucune durée ne sera stipulée pour la suspension. Toutefois, un avis de suspension comprendra les conditions nécessaires pour résoudre ou rectifier l’inaptitude (il peut y en avoir plusieurs) afin de mettre fin à la suspension.

En raison de la nature de l’« inaptitude » telle que définie ci-dessus, les mesures relatives aux certificats pour cette raison ne sont applicables qu’à une personne; elles ne s’appliquent pas à une société.

L’avis de suspension ou d’annulation précise que le destinataire doit remettre le DAC au ministre immédiatement après l’entrée en vigueur de la suspension ou de l’annulation. Il s’agit d’une exigence de l’article 103.03 du RAC. Le refus (ou le défaut) de remettre le DAC au ministre à la suite d’une suspension ou d’une annulation constitue une infraction à cet article du RAC.

Ce type de mesures relatives aux certificats pourrait faire l’objet d’un examen par le TATC. Toute personne ayant reçu un avis de suspension ou un avis d’annulation pour « inaptitude » peut demander une révision de la décision du ministre auprès du TATC.

Pour de plus amples renseignements à ce sujet, veuillez consulter l’Instruction visant le personnel no SUR-014.


1 Le Petit Robert (en ligne)

2 Le Trésor de la langue française informatisé (en ligne)

3 Dossier du TATC no C-3128-21

4 Mason v. The Registered Nurses’ Association of British Columbia, 102 D.L.R. (3d) 225

5 Dossier du TATC no A 1789 25, p. 10

Remarque : Les résumés d’accidents qui suivent sont des interventions de classe 5 du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST.) Ces événements ont eu lieu entre les mois de mai et juillet 2011. Ils ne satisfont pas aux critères des classes 1 à 4, et se limitent à la consignation des données qui serviront éventuellement à des analyses de sécurité ou à des fins statistiques ou qui seront simplement archivées. Les résumés peuvent avoir été mis à jour depuis la production de cette rubrique. Pour toute information concernant ces événements, veuillez contacter le BST. 


— Le 3 août 2011, un Convair CV580 en provenance de Winnipeg (Man.) atterrissait au lac Kasba (T.N.-O.). La piste était cahoteuse et par endroits le sol avait été ramolli par les dernières pluies. Durant la course à l’atterrissage, le train avant de l’avion s’est affaissé et l’appareil s’est immobilisé sur le nez. Les passagers ont pu sortir de l’avion sans être blessés. L’appareil a subi des dommages importants. Dossier no A11C0128 du BST. 


— Le 5 août 2011, un hélicoptère Bell 407 transportait du personnel de soutien à destination du site d’exploitation minière du camp de Hackett River (Nt) lorsqu’un voyant du détecteur de limaille moteur s’est allumé. Le pilote a posé l’hélicoptère. Il entamait la procédure d’arrêt moteur habituelle lorsqu’un bruit sourd a retenti et des débris ont été projetés devant l’hélicoptère. Le pilote a immédiatement actionné l’interrupteur d’arrêt carburant et a coupé l’alimentation principale de la batterie. Le pilote et quatre passagers sont sortis de l’appareil. Il y avait un incendie dans le compartiment moteur. Le pilote est retourné à l’hélicoptère et a essayé d’éteindre le feu à l’aide de l’extincteur de bord. Tandis que l’incendie continuait de faire rage, le pilote a activé la radiobalise de repérage d’urgence et s’est emparé de la radio portative. L’hélicoptère a été complètement consumé par l’incendie qui s’est déclenché après l’atterrissage. Un examen sommaire de l’épave a révélé la présence d’une défaillance non confinée du moteur Allison 250 C47B. Le moteur a été retiré du site et expédié au Laboratoire technique du BST, à Ottawa, pour y subir un examen plus approfondi. Dossier no A11C0129 du BST


— Le 6 août 2011, un hélicoptère Enstrom 280 FX privé effectuait un atterrissage sur une surface non aménagée et en pente au bord du lac du Chevreuil (Qc). Le rotor de queue a percuté la surface de l’eau au moment de l’atterrissage et son arbre d’entraînement s’est rompu. L’appareil a amorcé une rotation vers la gauche avant de se poser. Le patin gauche a été endommagé. L’accident s’est produit à environ 5 NM à l’ouest de Duhamel (Qc). Aucun des deux occupants n’a été blessé. Dossier no A11Q0149 du BST


— Le 11 août 2011, le pilote d’un hélicoptère AS 350 B2 venait de démarrer le moteur et entamait les vérifications des circuits hydrauliques avant vol. Pendant la séquence normale d’essai des accumulateurs hydrauliques, le levier de pas collectif s’est relevé et l’hélicoptère a décollé. Le pilote a essayé de maîtriser l’hélicoptère sans l’asservissement hydraulique des commandes, mais l’appareil a heurté le sol, rebondi, pivoté deux fois sur lui-même avant de se renverser sur le côté gauche. Le pilote et les trois passagers ont réussi à évacuer l’appareil sans aucune blessure. Par contre, l’hélicoptère a subi des dommages importants. Le pilote n’avait pas fermé le verrou du levier de pas collectif. À ce sujet, voir aussi le rapport n° A06P0123 du BST. Dossier no A11P0121 du BST


— Le 13 août 2011, un Cessna 170B sur flotteurs avec à son bord le pilote et deux passagers décollait du lac Sept-Îles (Qc) lorsque le pilote a aperçu la présence d’une motomarine droit devant qui traversait sa trajectoire de décollage. Le pilote a effectué une manœuvre afin d’éviter la motomarine, mais l’aile droite a touché la surface de l’eau provoquant l’arrêt subit de l’appareil. Des dommages importants ont été observés aux deux ailes. Personne n’a été blessé. Dossier no A11Q0151 du BST


— Le 14 août 2011, un Cessna 172N sur flotteurs effectuait un vol de plaisance dans la région de Caniapiscau (Qc). Lors de l’amerrissage par vent fort sur le lac Pau, l’appareil a fait un bond. Le pilote a mis de la puissance pour corriger la situation. Cependant, la vitesse de l’appareil étant devenue trop faible, l’efficacité des commandes de vol a été réduite au point où le pilote n’a pu maîtriser l’appareil pour l’amerrissage. L’aile droite et le nez de l’appareil ont touché la surface de l’eau en premier et l’appareil s’est immobilisé incliné, semi-immergé. Les deux occupants qui portaient leur veste de flottaison ont évacué l’appareil et ont pu être secourus rapidement par des gens de la pourvoirie qui se trouve à proximité. Personne n’a été blessé. Dossier no A11Q0153 du BST


— Le 17 août 2011, le pilote d’un Cessna C150F effectuait des circuits à l’aéroport de Pokemouche (CDA4), près de Village-Blanchard (N.-B.). Vers 20 h, heure avancée de l’Atlantique (HAA), le régime moteur de l’appareil (Continental O-200) a chuté après la remise des gaz consécutive à un posé-décollé. Le pilote a décidé de faire un atterrissage forcé dans un champ adjacent au terrain d’aviation, mais la dérive de l’avion a heurté des câbles électriques pendant l’approche. L’avion s’est immobilisé au sol, sur le dos. Le pilote a subi de légères blessures qui ont été traitées sur place par les ambulanciers. Il a été estimé qu’il restait 10 L de carburant à bord au moment de l’accident. L’avion a subi des dommages importants. Dossier no A11A0048 du BST


— Le 20 août 2011, un Cessna T210M privé était stationné sur l’aire de trafic à Humboldt (Sask.) après avoir effectué un vol local en VFR. Le pilote avait laissé le moteur tourner afin de réduire la température du moteur avant de le couper. Il avait également ouvert la porte de cabine gauche afin de laisser rentrer de l’air frais dans l’habitacle. Pendant ce temps, un passager, assis sur le siège arrière, est sorti de l’avion et s’est tenu devant la porte pour parler avec le pilote. Au bout de quelques instants, l’autre passager (une femme), qui prenait place sur le siège avant droit, a déverrouillé la porte droite du poste de pilotage pour sortir de l’avion. Une fois sortie de l’avion, la passagère s’est dirigée vers l’avant de l’appareil et a été tuée par l’hélice en rotation. Le pilote et l’autre passager n’ont pas été blessés. Dossier no A11C0135 du BST


— Le 21 août 2011, un Mooney M-20J privé atterrissait sur la piste 30, à Thunder Bay (Ont.), avec à son bord un pilote et trois passagers. Pendant la course à l’atterrissage, la chemise du pilote s’est prise dans le levier de commande de train, et le train est rentré. L’avion a fini sa course sur le ventre. Le dessous et l’hélice de l’avion ont été endommagés. Le pilote et les passagers n’ont pas été blessés. Dossier no A11C0137 du BST


— Le 23 août 2011, un hélicoptère Bell 206B s’est posé sur une plate-forme en bois sommairement aménagée, à un endroit éloigné, à 73 NM au sud de Smithers (C.-B.). Deux passagers ont débarqué alors que le moteur de l’hélicoptère tournait encore sous la supervision du pilote. Lorsque l’hélicoptère a redécollé, avec uniquement le pilote à son bord, un patin s’est accroché à une pièce de bois, et l’hélicoptère s’est renversé. Le pilote a été légèrement blessé. Il a été secouru par l’un des passagers. L’hélicoptère a été lourdement endommagé. Dossier no A11P0127 du BST. 


— Le 24 août 2011, un Stinson 108-3 monté sur flotteurs a percuté la surface du lac Arrow supérieur, à Nakusp (C.-B.), lors d’un amerrissage sur plan d’eau miroitant. L’hydravion s’est retourné et a été partiellement submergé. Le pilote a réussi à sortir de l’appareil, mais le passager est mort noyé dans l’avion retourné. Dossier no A11P0128 du BST. 


— Le 25 août 2011, un Cessna U206D privé effectuait un atterrissage sur une route adjacente à une ferme où le pilote devait réparer du matériel agricole. Pendant l’approche finale, la dérive de l’appareil a heurté un câble non repéré suspendu en travers de la route. L’avion s’est posé sans encombre. La dérive et le gouvernail de direction ont subi des dommages importants. Personne n’a été blessé. Dossier no A11C0141 du BST


— Le 28 août 2011, un Cessna R182 en provenance de Bathurst (N.-B.) atterrissait sur la piste 30 à Charlo (N.-B.). Au moment de toucher les roues, l’avion s’est posé sur le ventre et a parcouru une certaine distance avant de s’immobiliser sur la surface revêtue. Le pilote, qui était seul à bord, n’a pas été blessé. Par contre, l’avion a subi des dommages importants. Il a été précisé que le système d’avertissement du train d’atterrissage fonctionnait correctement, mais que le levier de commande de train n’avait pas été abaissé avant l’atterrissage. Dossier no A11A0054 du BST


— Le 2 septembre 2011, un Piper PA28-151n’a pas réussi à éviter le relief en pente ascendante d’une vallée pendant un vol touristique privé à l’ouest de Claresholm (Alb.). Au cours d’un virage à 180°, l’avion a décroché et s’est écrasé dans des arbres. Deux occupants ont été légèrement blessés, l’autre occupant a subi des blessures graves et a dû être transporté à Calgary par un hélicoptère d’évacuation sanitaire. L’appareil a été lourdement endommagé. Dossier no A11W0129 du BST


— Le 3 septembre 2011, deux planeurs (un SZD-55-1 et un G102 ASTIR CS) évoluaient dans le même courant thermique, à environ 7 NM au sud-est de l’aéroport d’Invermere (C.-B.), lorsqu’ils sont entrés en collision. Les deux appareils ont subi des dommages importants et sont devenus incontrôlables. Ils se sont tous les deux écrasés au sol et ont été détruits. Aucun des pilotes n’a survécu. Le BST apporte son appui au Bureau du coroner en chef de la Colombie-Britannique dans le cadre de son enquête. Dossier no A11P0134 du BST


— Le 16 septembre 2011, un avion amphibie Lake LA-4 effectuait une envolée dans des conditions de vol à vue entre l’aéroport de St-Hyacinthe (Qc) (CSU3) et le lac Geoffrion (Qc). Lors de la phase d’amerrissage et à sa quatrième tentative de se poser, l’appareil s’est écrasé dans le lac. Les deux personnes ont été secourues par des riverains qui se sont rendus à l’appareil en embarcations. Le passager est décédé des suites de ses blessures alors que le pilote a été blessé gravement. L’appareil a été détruit. Dossier no A11Q0177 du BST


— Le 16 septembre 2011, un hélicoptère Aerospatiale AS350B1a été ravitaillé en carburant à Langley (C.-B.) avant de décoller à 18 h 20, heure avancée du Pacique (HAP) pour se rendre à Kelowna (C.-B.). L’hélicoptère est apparu pour la dernière fois sur les écrans radar à 3 800 pi à proximité de Hope (C.-B.). Une personne a signalé à la tour de Kelowna que l’hélicoptère était en retard. L’ATC n’avait établi aucun contact avec l’hélicoptère. L’appareil a été retrouvé le 20 septembre par un autre hélicoptère évoluant dans le secteur. L’épave a été localisée à 6 100 pi ASL, sur une pente à 32° faisant face au nord, ce qui indique que le pilote avait fait demi-tour. Un violent incendie après impact avait consumé la majeure partie de l’appareil, et le pilote avait perdu la vie. La radiobalise de repérage d’urgence émettant sur 406 MHz n’a émis aucun signal. Dossier no A11P0139 du BST. 


— Le 17 septembre 2011, un pilote de Cessna 182P privé était en rapprochement de l’aéroport de Rockcliffe (CYRO) (Ont.) et envisageait de se poser sur la piste 27. En approche finale, le pilote a perdu le contact visuel avec la piste en raison du coucher du soleil, et il a atterri sur la voie de circulation A, qui est parallèle à la piste. Pendant la course à l’atterrissage, le pilote a fait un écart à gauche pour éviter un aéronef au roulage et a heurté un aéronef en stationnement. Le pilote n’a pas été blessé; par contre, l’avion a subi des dommages importants. Dossier no A11O0187 du BST. 


— Le 18 septembre 2011, le pilote (sans licence) d’un ultra-léger Aeros modèle 582 avait effectué plusieurs courses au décollage dans le but de se familiariser avec son avion avant de décoller d’un terrain privé de Carroll’s Corner (N.-É.), pour effectuer un vol local. Il s’agissait du premier vol du pilote dans ce modèle d’ultra-léger. Après avoir franchi la cime des arbres peu après le décollage, l’appareil a piqué du nez, a perdu rapidement de l’altitude, puis s’est écrasé dans un étang. Le pilote, seul à bord au moment de l’accident, a été tué. Du carburant s’est déversé dans l’étang. Aucun signe de défaillance structurale en vol n’a été constaté, et le moteur tournait au moment de l’impact. Le pilote totalisait environ 9 heures de formation en double commande sur un autre modèle d’ultra-léger. Le pilote n’avait suivi aucune formation au sol et il n’était pas autorisé à voler en solo. Dossier no A11A0061 du BST. 


— Le 23 septembre 2011, un pilote de Cessna U206G effectuait un vol d’affrètement en VFR entre Fort Simpson (T.N.-O.) et le camp de la rivière Root (T.N.-O.), avec deux fûts d’essence aviation à son bord. L’avion a décollé de Fort Simpson en conditions de vol VFR et il a suivi la rivière Root. Après environ une heure de vol, le pilote a rencontré de mauvaises conditions de plafond et de visibilité. Il a viré vers ce qu’il pensait être la vallée où le camp était installé, mais il s’agissait en réalité d’un canyon en cul-de-sac. Alors que le pilote essayait de franchir le relief ascendant tout en virant, l’aile droite de son Cessna a heurté le relief, puis le sol. Le pilote a subi de légères blessures. Il a été retrouvé quelques heures plus tard grâce à l’activation de sa radiobalise de repérage d’urgence (ELT) émettant sur 406 MHz. Dossier no A11W0146 du BST. 


— Le 23 septembre 2011, un Wagaero Sport Trainer de construction amateur et équipé de flotteurs effectuait un vol local selon les règles de vol à vue avec le pilote et un passager à son bord. Lors du décollage du lac Jourdain (Qc), l’appareil a pénétré un banc de brume. Le pilote a effectué un virage et les flotteurs ont percuté la surface de l’eau. L’appareil a été lourdement endommagé. Les deux occupants sont sortis indemnes de l’accident. Dossier no A11Q0183 du BST. 


— Le 24 septembre 2011, un Wagaero Sportsman 2+2 équipé de flotteurs a décollé du lac Husky (Qc) pour effectuer un vol local avec le pilote et un passager à son bord. Au retour, en finale pour le lac, l’appareil a subi une panne d’alimentation. L’hydravion a heurté des arbres et s’est écrasé quelque 20 m avant d’amerrir sur le lac Husky. Les deux occupants sont sortis indemnes de l’accident. Selon les informations obtenues, une conduite d’essence obstruée a provoqué la perte de puissance. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) émettant sur la fréquence 406 MHz s’est déclenchée à l’impact. Dossier no A11Q0184 du BST


— Le 24 septembre 2011, un hélicoptère R44 II a décollé de Saint-Joseph-du-Lac (Qc) vers 20 h 30, heure avancée de l’Est (HAE) à destination de Saint-Jean-des-Piles (Qc), selon les règles de vol à vue de nuit, avec seul le pilote à son bord. L’appareil a heurté la surface de la rivière Saint-Maurice à environ 350 m de sa destination. L’appareil a coulé rapidement. Le pilote s’est extirpé du poste de pilotage. Il a nagé jusqu’à la rive où il a été secouru. Le pilote a subi des blessures graves. Dossier no A11Q0182 du BST


— Le 2 octobre 2011, un Beaver des Pauvres de construction amateur et équipé de flotteurs a décollé de la rivière Nicolet (Qc) en direction du barrage Outardes 4 au nord de Baie-Comeau (Qc). En route, la météo s’est détériorée et le pilote a fait un amerrissage de précaution au sud-ouest du lac Jacques Cartier dans le parc des Laurentides vers 10 h. Il a redécollé vers 12 h 30, estimant que la météo s’était améliorée. Il s’est retrouvé dans une vallée dans laquelle il n’était pas possible de faire demi-tour. La couche nuageuse l’a fait descendre au point de frapper la cime des épinettes. L’hydravion s’est écrasé vers 13 h et a été lourdement endommagé. Le pilote n’a pas été blessé. L’impact n’a pas été suffisant pour déclencher la radiobalise de repérage d’urgence. Le pilote avait un système mondial de localisation pour signaler sa position. De plus, étant à courte distance de la route 175, il a pu communiquer par téléphone cellulaire et être secouru. Dossier no A11Q0186 du BST. 


— Le 19 octobre 2011, le pilote d’un Cessna 185 effectuait un point fixe dans l’aire réservée aux points fixes de l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY) (Qc), lorsque le pilote d’un Boeing 737 stationné à 300 pi a augmenté la puissance moteur pour circuler au sol. Se rendant compte que le B737 avançait, le pilote du C185 a augmenté la puissance moteur pour s’éloigner, mais l’aile droite du C185 s’est soulevée et l’avion a basculé sur le côté droit. Le pilote et le passager n’ont pas été blessés. Par contre, le C185 a subi des dommages importants. Le pilote du C185 ignorait que le B737 s’apprêtait à partir et il a pensé que son avion était suffisamment loin du B737 pour ne pas se retrouver dans le souffle de ses réacteurs. Le signaleur du B737 a pensé que le C185 était suffisamment loin et qu’il ne serait pas exposé au souffle des réacteurs. La station d’information de vol (FSS) n’avait informé aucun équipage de la présence d’un autre aéronef à proximité. Dossier no A11Q0190 du BST. 


— Le 26 octobre 2011, un Cessna 180J nolisé était en montée vers 5 500 pi ASL en direction de St-Boniface-de-Shawinigan (Qc). À environ 3 500 pi ASL, le pilote a constaté une perte de puissance du moteur Continental O-470-S et a stabilisé le vol en palier. Le pilote a fait demi-tour pour revenir se poser et a appliqué le dégivrage carburateur. Le moteur a fait quelques ratés. À son retour en passant le sommet de la montagne, l’appareil s’est retrouvé dans une zone de vent rabattant. Pendant la descente dans la vallée, l’appareil a frappé la cime des arbres et s’est immobilisé dans les arbres. Le pilote et les deux passagers n’ont subi aucune blessure et l’appareil a subi des dommages importants. Dossier no A11Q0198 du BST


— Le 30 octobre 2011, un Fairchild SA227-AC effectuait un vol selon les règles de vol aux instruments depuis l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (CYUL) (Qc) à destination de Kitchener/Waterloo (CYKF) (Ont.) avec deux pilotes et deux passagers à bord. À la suite du refoulement, les signaux pour serrer les freins et la déconnexion du tracteur ont été utilisés. Alors que le personnel travaillait encore près de la roue de nez, l’avion a commencé à avancer en direction du tracteur. Le personnel s’est éloigné et le nez de l’avion a percuté le tracteur, causant des dommages au nez de l’appareil. Il n’y a eu aucun blessé. Dossier no A11Q0203 du BST


— Le 31 octobre 2011, un Champion 7GCBX sur flotteursa décollé du lac Labrecque (Qc) à destination du lac Houlière (Qc) selon les règles de vol à vue, avec seul le pilote à son bord. Environ 30 min après le décollage, le pilote a effectué un amerrissage de précaution sur la rivière Péribonka lorsqu’il a rencontré des conditions de faible visibilité. Lors de l’amerrissage, le pilote a perdu ses références visuelles dans la brume, et l’hydravion s’est posé sur la rive de la rivière dans un marécage. Lors de la course au sol, une aile et un flotteur se sont arrachés. L’avion a pris feu après s’être immobilisé. La radiobalise de repérage d’urgence émettant sur la fréquence 406 MHz s’est déclenchée. Le pilote est sorti indemne de l’accident. Dossier no A11Q0204 du BST


Date de modification :
2012-04-25

Vue d'artiste des choix restants au pilote, qui est incapable de prendre de l'altitude après son décollage.

Le 22 août 1997, un Piper Aztec sur flotteurs avec trois personnes à bord a essayé de décoller du lac de la Squaw (Québec) selon les règles de vol à vue. Le pilote a d'abord essayé de décoller en direction du nord mais a dû interrompre sa course parce qu'un bouchon de réservoir à essence était ouvert. Quelques instants plus tard, il a entamé sa course au décollage en direction du sud, et l'hydravion a parcouru environ 8 000 pieds avant de prendre son envol. L'hydravion, n'atteignant pas un taux de montée élevé, a continué son vol à environ 100 pieds au-dessus des arbres.

Le préposé à la station d'information de vol (FSS), qui suivait des yeux l'appareil, a observé une brève coupure de courant électrique à son poste de travail, puis a vu un nuage de fumée s'élever à l'horizon. Il a essayé de communiquer à plusieurs reprises avec l'hydravion par radio, mais sans succès. Il a alors demandé à un hélicoptère qui survolait la région de se rendre sur les lieux d'où se dégageait la fumée pour vérifier s'il y avait eu un accident. Le pilote de l'hélicoptère est arrivé quelques minutes plus tard et a confirmé que l'hydravion s'était écrasé après avoir percuté une ligne à haute tension.

Un incendie de très forte intensité s'est ensuite déclaré. Le pilote a réussi à sortir de l'aéronef par la porte gauche avant, mais il a dû traverser les flammes et a subi de graves blessures. Les deux passagères n'ont pu évacuer l'avion et ont subi des blessures mortelles. Le récit de cet accident est tiré du rapport final A97Q0183 du Bureau de la sécurité des transports (BST).

Le pilote s'était peu reposé dans les dernières 48 heures précédant le vol. Il s'était affairé à préparer ses camps de chasse pour la saison qui débutait. La logistique et le suivi de ses employés prenaient beaucoup de son temps, et il n'avait dormi qu'environ trois heures au cours de chacune des deux nuits précédant le vol. Le matin de l'accident, le pilote avait quitté son domicile vers six heures du matin pour se rendre à l'aéroport de Dorval afin de prendre un vol commercial à destination de Schefferville (Québec). De Schefferville, il devait piloter son avion privé pour transporter deux de ses employés, des cuisiniers, à deux camps différents. Les clients, qui se rendaient aux camps du pilote, avaient déjà décollé et étaient en route vers leur destination.

Le chargement de l'hydravion a été effectué par deux employés du pilote au quai d'Air Saguenay tandis que ce dernier s'affairait à préparer l'hydravion pour le vol. Aucun bagage ni aucun fret n'a été pesé sur la balance qui était disponible sur le quai d'Air Saguenay. Selon le BST, deux estimations de poids et de centrage ont été calculées. La première estimation, calculée en utilisant les poids évalués par le pilote, révèle que l'hydravion n'était pas surchargé et que le centre de gravité se trouvait dans l'enveloppe. La masse maximale autorisée sans carburant, qui est de 4 400 livres, était dépassée de 113 livres. Une seconde évaluation a été faite à partir des déclarations des employés ayant chargé l'appareil. Selon cette évaluation, l'hydravion était surchargé de 322,5 livres, et le centre de gravité se trouvait à 5,97 pouces en arrière de la limite arrière, et en dehors de l'enveloppe. Dans cette configuration, la masse maximale sans carburant était dépassée de 630,5 livres.

La position du centre de gravité joue un rôle très important dans la stabilité longitudinale. Si le chargement de l'avion est tel que le centre de gravité se trouve trop en arrière, l'avion sera porté à adopter une assiette de cabré plutôt qu'une assiette de piqué. La stabilité inhérente fera défaut et, même s'il est possible de corriger cette situation en braquant le gouvernail de profondeur vers le bas, le contrôle longitudinal de l'avion restera difficile, voire impossible dans certains cas. Le poids affecte la vitesse de décrochage de l'avion. Un poids additionnel oblige l'avion à maintenir un angle d'attaque plus grand afin de produire la portance nécessaire pour le maintenir en vol. L'angle d'attaque critique correspond donc à une vitesse plus élevée. Plus l'angle d'attaque augmente et plus la traînée augmente. À un angle d'attaque précis, l'hydravion entre dans la plage de vol lent. Dans cette plage de vol lent, la portance n'augmente plus si l'on augmente l'angle d'attaque, mais, au contraire, diminue tandis que la traînée augmente. Une légère augmentation de l'angle d'attaque peut ainsi se traduire par un décrochage.

Les vents sur le lac de la Squaw, quelques minutes après l'accident, venaient du 120 degrés vrai à trois noeuds. Selon le pilote, il y avait un léger vent arrière lors du décollage vers le sud. Le lac de la Squaw est orienté nord-ouest/sud-est et mesure environ deux milles et demi de long. En direction sud-est, au bout du lac, se trouve une vallée entre deux collines. L'altitude du lac est de 1 616 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et l'altitude, au premier point d'impact de l'appareil, était de 1 800 pieds ASL. L'hydravion aurait parcouru environ 8 000 pieds avant de décoller puis volé sur une distance de 8 000 pieds avant de s'écraser. Le pilote a déclaré qu'il s'était rendu compte que l'hydravion n'atteignait pas ses performances habituelles durant la montée initiale. Durant la course au décollage, l'hydravion avait utilisé une distance plus longue que la normale avant de prendre son envol. Le pilote avait attribué cette situation à un vent arrière.

Normalement, une fois l'hydravion en vol, le pilote abaissait le nez de l'appareil pour rentrer les volets et laisser l'hydravion accélérer à la vitesse de meilleur taux de montée. Dans ce cas-ci, le pilote n'a pu rentrer les volets à cause du rivage et des obstacles qui se rapprochaient rapidement. Il a tiré sur les commandes et a essayé de prendre de l'altitude en maintenant une vitesse d'environ 80 mi/h alors que les volets étaient toujours abaissés à 15 degrés.

Le pilote a tenté de passer par-dessus les obstacles situés sur sa trajectoire de vol, mais lorsque les lignes à haute tension sont apparues devant lui, il n'a pu effectuer de manoeuvre d'évitement afin de ne pas heurter l'obstacle. L'hydravion a percuté les lignes à haute tension et un poteau de bois, puis a piqué du nez pour pivoter autour du poteau avant de s'écraser au sol.

Selon un pilote d'expérience ayant effectué de nombreuses heures sur le même type d'hydravion sur flotteurs, lorsque l'hydravion est chargé au poids maximum de 5 200 livres, avec les volets à 15 degrés, l'appareil décolle en utilisant une distance d'environ 3 000 pieds. Par exemple, sur un lac d'un mille et demi de long, si l'appareil ne prend pas son envol dans les limites fixées, le chargement doit être réagencé de manière à ce que les charges soient mieux réparties, et les flotteurs doivent être vérifiés pour s'assurer qu'ils ne contiennent pas d'eau. Selon ce pilote, le facteur décisif est de ne pas dépasser la limite de 150 livres dans la soute à bagages arrière pour ne pas déplacer le centre de gravité arrière en dehors de l'enveloppe, ce qui porterait l'hydravion à se cabrer à la fois durant la course au décollage et à l'envol.

Analyse — Le pilote ne s'était pas reposé suffisamment en prévision du vol qu'il allait entreprendre et, n'ayant pas alloué assez de temps à la préparation de ses camps en vue de la saison de chasse, s'était imposé de la pression. Il était très stressé à cause des échéanciers très serrés qu'il s'était fixé. Le pilote, pressé par le temps, n'a pas vérifié le poids du fret alors qu'une balance était disponible sur le quai de chargement et a décidé de décoller avec un hydravion surchargé ayant un centre de gravité déplacé vers l'arrière. Puisque ses clients étaient déjà en vol en direction des camps et que les cuisiniers n'étaient pas encore rendues sur place, il voulait absolument décoller lors de sa deuxième tentative. L'hydravion a utilisé une distance plus longue que la normale avant de prendre son envol. Durant ce second essai, le pilote aurait pu, à un moment ou à un autre, interrompre sa course au décollage et revoir son chargement, mais il a décidé de continuer.

L'hydravion a parcouru une distance anormalement longue avant de déjauger en raisons de son assiette cabrée due à un centre de gravité déplacé vers l'arrière, en dehors de l'enveloppe, et en raison d'un poids excessif. Cette assiette cabrée des flotteurs dans l'eau a généré une traînée qui ne permettait pas à l'hydravion d'accélérer dans les distances habituelles de la course au décollage. Après 8 000 pieds de course au décollage, ce qui correspond à plus de deux fois la distance normalement requise, l'hydravion a donc pris son envol et ce, en partie grâce au phénomène d'effet de sol.

Puis le pilote, voyant les obstacles sur le rivage qui se rapprochaient, a tiré sur les commandes pour essayer de passer au-dessus. L'hydravion avait une vitesse de 80 mi/h, ce qui est de beaucoup inférieur à la vitesse ascensionnelle recommandée de 120 mi/h et inférieur à la vitesse de meilleur angle de montée qui est de 107 mi/h. L'hydravion, en raison de sa configuration, avait une vitesse de décrochage plus élevée que la normale. Il est donc permis de déduire que l'hydravion se trouvait alors dans la plage de vol lent. Plus le pilote tirait sur les commandes et plus il accentuait la traînée. Ainsi, l'appareil, ne pouvant atteindre un taux de montée suffisant pour passer au-dessus des obstacles sur sa trajectoire de vol, a percuté les lignes à haute tension et un poteau.

Le BST a conclu que l'hydravion, à cause d'un poids excessif et d'un centre de gravité en dehors de l'enveloppe, n'a pris son envol qu'après une longue course et n'a pu maintenir un taux de montée suffisant pour éviter les obstacles se trouvant sur sa trajectoire de vol. D'autres facteurs ayant contribué à l'accident sont le stress, le manque d'organisation et la fatigue du pilote.

Si, techniquement parlant, il est juste d'affirmer que cet accident est dû à un problème de centrage, peut-on dire pour autant que ce dernier soit la cause réelle de l'accident? Ne serait-il pas plutôt le résultat une erreur humaine? Comment a-t-on pu en arriver à une telle fin tragique? Car nous avons toujours, en tant que pilotes, une certaine emprise sur le déroulement des événements. Ce facteur, qui est le plus important de tous, a pour nom le facteur humain.

Décollage en configuration pleins volets sur l'herbe mouillée — Une combinaison fatale

Le 27 juillet 1998, un pilote et trois passagers sont partis d'Espanola à bord d'un Piper PA 28 pour un vol effectué selon les règles de vol à vue (VFR) en direction ouest, à destination d'Ottawa (Ontario). La surface de la piste était constituée d'un sol sablonneux et inégal recouvert d'herbe. Le sol était mou en raison de la pluie tombée peu avant le départ. Le pilote a dû faire trois longueurs de piste avant que l'aéronef prenne son envol. Une fois en vol, l'aéronef a heurté des arbres situés à gauche de la trajectoire de départ et s'est écrasé dans une région boisée. Un violent incendie s'est immédiatement déclaré et a consumé la cabine de l'aéronef. Un enfant en bas âge a péri dans l'incendie. Le pilote et les deux autres passagers ont réussi à sortir de l'aéronef en flammes mais sont décédés par la suite de leurs brûlures. Ce résumé est fondé sur le rapport final A98O0190 du Bureau de la sécurité des transports (BST) du Canada.

Le pilote était titulaire d'une licence de pilote privé valide et avait les qualifications nécessaires pour effectuer le vol. Il comptait environ 350 heures de vol au total. Des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) étaient en vigueur dans la région au moment de l'incident, et la température était de 23 °C. Il avait plu au cours de la journée, et le pilote avait retardé son départ jusqu'à ce que le temps s'améliore.

La piste, qui mesure environ 2900 pieds de long, est entourée d'arbres et est orientée sur un cap de 283 degrés (magnétique). À certains endroits, le sol de la surface de la piste était très mou. L'herbe avait été tondue récemment et mesurait de deux à trois pouces de long. Un exploitant qui connaît bien l'aéroport a indiqué que les aéronefs à train tricycle ne sont pas autorisés à utiliser la bande d'atterrissage après qu'il a plu, car le sol devient très mou lorsqu'il est trempé. On peut trouver une surface plus élevée au bout et à l'ouest de la piste de départ.

Les témoins de l'incident ont signalé que le moteur de l'aéronef semblait prendre une puissance considérable et n'ont pas remarqué de changement dans le bruit du moteur jusqu'à ce que l'aéronef heurte les arbres. Ils ont décrit le vol de l'aéronef après le décollage comme étant stationnaire ou flottant. Le nez de l'aéronef s'est ensuite abaissé, puis l'aéronef a commencé à s'incliner vers la gauche avant de heurter le premier arbre. Un violent incendie alimenté par le carburant s'est déclaré à l'impact ou immédiatement après.

L'épave a été examinée sur le site même. Les marques d'hélice sur les arbres et la condition de l'hélice indiquent que le moteur produisait une puissance considérable. Bien qu'une grande partie de l'aéronef a brûlé, les matériaux durables, tels que les charnières, les câbles d'acier et le métal lourd, n'ont pas été détruits. Toutes les surfaces des commandes de vol de l'aéronef ont été retrouvées, et les câbles de commande sont demeurés intacts au moment de l'écrasement. Les volets ont complètement brûlé. Toutefois, le levier de commande des volets était fixé dans la position 40 degrés (pleins volets).

La masse maximale autorisée au décollage de l'aéronef était de 2325 lb. Le BST n'a pas pu déterminer la masse exacte de l'aéronef au décollage, car les bagages n'avaient pas été pesés, et on ne connaît pas la quantité exacte de carburant. Toutefois, on estime que la masse de l'aéronef au décollage se situait entre 2300 et 2400 lb.

Le manuel d'utilisation du pilote de l'aéronef contient des calculs de performance pour le décollage sur une piste pavée, plane et sèche, avec une masse maximale brute au décollage de 2325 lb. On a calculé, avec une température de 23 °C et en reprenant les conditions susmentionnées, que la course au décollage devrait être de 1255 pi sans volets et de 965 pi si les volets sont sortis à 25 degrés. La distance de décollage nécessaire pour éviter un obstacle de 50 pi de haut au bout de la piste, avec les volets sortis à 25 degrés, est de 1760 pi. Une brochure de Transports Canada intitulée Conseils sur l'utilisation des petits aéronefs (TP 4441F) fournit des renseignements supplémentaires sur les tables de performances des constructeurs pour les décollages autorisés. Ces renseignements portent sur les conditions qui n'ont pas été testées par les constructeurs. Dans cette publication, on suggère d'augmenter la distance de roulement au décollage de 10 p. 100 lorsque la surface de la piste est inégale, rocailleuse ou recouverte d'herbe courte (jusqu'à 4 po). On suggère aussi d'augmenter la distance de roulement de 75 p. 100 ou plus lorsque la surface de la piste est molle (boue, neige, etc.). Si toutes ces conditions sont réunies et que les volets sont sortis à 25 degrés, la distance de roulement au décollage doit être d'au moins 1858 pi et, pour éviter un obstacle de 50 pi de haut, d'au moins 2653 pi. Il n'existe pas de table de performances de décollage pour les aéronefs dont la masse est supérieure à la masse maximale brute au décollage.

D'après le manuel d'utilisation du pilote, les décollages se font habituellement avec les volets rentrés. Toutefois, pour un décollage sur terrain court ou dans des conditions difficiles, par exemple dans de hautes herbes ou sur une surface molle, la distance de décollage peut être réduite sensiblement en sortant les volets à 25 degrés et en réduisant la vitesse de rotation. Cependant, le manuel ne contient pas de tables de performances de décollage pour l'utilisation des pleins volets et ne recommande pas cette procédure. La sortie limitée des volets pendant le décollage permet de réduire la distance de roulement au décollage et d'accentuer l'angle de montée, tandis que l'utilisation des pleins volets donne un faible rapport entre la portance et la traînée induite et réduit l'angle de montée. Lorsqu'elle est bien effectuée, la technique de décollage sur terrain mou nécessite une moins grande distance de roulement au décollage. Toutefois, si le pilote tente de faire décoller l'aéronef prématurément, la distance de décollage nécessaire est beaucoup plus grande, et la performance de montée est moindre.

Analyse — Les vents étaient généralement de 270 à 300 degrés et soufflaient en rafales à une vitesse de 10 à 15 kt. Puisque la direction de décollage sur la piste était de 283 degrés, il est peu probable que l'aéronef ait été affecté par les conditions de vent et la topographie locale. Néanmoins, un vent de face aurait augmenté la performance au décollage de l'aéronef.

D'après les trois longueurs de piste effectuées, les descriptions du bruit du moteur par les témoins et l'examen du moteur, il a été déterminé que le moteur produisait la puissance requise. Rien dans l'épave n'indiquait qu'une défaillance s'était produite avant l'écrasement.

L'aéronef avait atteint ou presque la masse maximale autorisée au décollage. Par conséquent, la distance de décollage maximale était nécessaire, et peut-être même plus. Les conditions de la piste et l'utilisation des pleins volets ont augmenté davantage la distance de décollage et la distance requises pour éviter de heurter les arbres. Il se peut que le pilote ait fait la première longueur de piste pour évaluer les conditions de la piste, et que les deuxième et troisième longueurs aient été des essais de décollage. D'après les témoignages, et si l'on tient compte du fait qu'un pilote change habituellement certains paramètres de la configuration de l'aéronef après un essai de décollage raté, il est possible que la première longueur de piste ait été un essai de décollage. Le cas échéant, il est probable que cet essai a été effectué avec les volets rentrés et que le deuxième essai a été effectué avec les volets sortis à 25 degrés, selon la recommandation du constructeur pour un décollage sur terrain mou. D'après la façon dont les volets ont été manoeuvrés et puisque le levier était fixé dans la position 40 degrés, on a conclu que les volets étaient complètement sortis lors du dernier essai. Il n'est pas recommandé de décoller en configuration pleins volets, mais l'aéronef a tout de même réussi à prendre son envol. Cependant, les volets étant complètement sortis, la haute traînée a donné lieu à une perte de performance de montée, ce qui a empêché l'aéronef de monter assez vite pour éviter les arbres au bout de la piste. Le pilote a probablement haussé le nez de l'aéronef pour tenter d'éviter les arbres, mais en raison de la faible vitesse et de la haute traînée, l'aéronef a décroché.

Des corrections peuvent être apportées aux estimations de distances de décollage à l'aide de l'information publiée. Toutefois, il n'existe pas d'information publiée par le constructeur sur la performance au décollage dans les conditions où l'incident s'est produit. Par conséquent, il est impossible d'évaluer la course au décollage ou la distance requise pour atteindre 50 pi de hauteur au bout de la piste pour un aéronef dont la masse est supérieure à la masse maximale homologuée au décollage et dont les volets sont complètement sortis. La distance requise pour éviter un obstacle de 50 pi au bout de la piste est sans doute plus grande si les volets sont complètement sortis que s'ils sont sortis à 25 degrés.

Les passagers auraient pu survivre à l'impact, car les arbres ont probablement absorbé la majeure partie de la vitesse acquise par l'aéronef, d'après les angles auxquels celui-ci les a heurtés. De plus, les passagers portaient leur système de retenue. Toutefois, l'incendie qui a suivi l'impact a causé les décès.

En fin de compte, le BST a déterminé que le pilote a tenté de décoller dans des conditions qui n'étaient pas propices à un décollage réussi. Ces conditions comprennent la masse élevée de l'aéronef ainsi que la piste molle et herbue. L'utilisation des pleins volets a contribué à l'incident, car ceux-ci ont empêché l'aéronef de faire une montée rapide et de passer au-dessus des arbres lorsqu'il a pris son envol au bout de la piste.

Cet incident tragique et évitable doit servir de leçon à tous ceux qui utiliseront des bandes semblables, c'est-à-dire courtes et non entretenues, au cours du printemps et de l'été à venir. Afin d'obtenir un exemplaire du TP 4441F, veuillez communiquer avec votre bureau régional de Transports Canada ou le rédacteur de Sécurité aérienne — Nouvelles.

Indicateur d'assiette

Monsieur le rédacteur,

Je voudrais ici revenir sur l'article consacré à « la spirale de la mort » de John Kennedy Jr. que vous avez publié dans le numéro 4/99 de Sécurité aérienne — Nouvelles. Concevoir un nouveau type d'indicateur d'assiette qui combinerait un horizon mobile et un avion miniature n'aiderait en rien un pilote à sortir d'une spirale de la mort. Le problème est généralement que le pilote ne sait pas correctement lire l'indicateur (et cela, quelle que soit sa conception) et qu'il oublie de corréler cette lecture avec celle d'autres instruments. Il s'agit avant tout d'un problème de formation et de compétence. Si le pilote est rassuré par la présence d'un petit avion incliné sur le côté, il peut alors vérifier son contrôleur de virage.

Si cet accident a réellement été causé par une spirale de la mort due à la désorientation, l'enquête devrait alors s'intéresser à l'aspect humain de cet accident afin que les pilotes puissent savoir comment couper court à un enchaînement de circonstances qui s'est conclu par une fin tragique. Cela signifie reconnaître la réalité des pressions exercées pour qu'un vol arrive à destination, tout particulièrement lorsque celui-ci est en retard. Nous voulons trop souvent ne pas contrarier nos passagers, et ces pressions que nous exerçons sur nous-mêmes peuvent parfois nous amener à voler dans des conditions défavorables sous le coup de ce que l'on nomme le « syndrome du retour au bercail ». Nous devons également apprendre à tenir compte de notre environnement, notamment des conditions météorologiques et du type d'appareil : reconnaître nos propres limites face à ces pressions et dans cet environnement de travail demeure peut-être le meilleur moyen d'éviter de tels accidents. Il nous faut recevoir de la formation afin d'améliorer nos compétences ou bien être prêts à dire « non » lorsque les conditions dépassent ces dernières.

James Greenhill
Montréal (Québec)


Merci, M. Greenhill, pour vos commentaires soulignant que les pressions que nous nous imposons, l'environnement de vol (tout particulièrement en VFR de nuit) et les compétences du pilote sont des facteurs essentiels qui, dans le cas de cet accident, ont sûrement joué un rôle important. Votre lettre est en cela extrêmement instructive. Toutefois, je ne crois pas que M. Roscoe, dans son article, cherchait à sous-estimer ces facteurs mais plutôt qu'il souhaitait s'intéresser à un instrument de bord bien particulier et à la façon dont celui-ci pourrait être amélioré. Ce genre de remise en question mérite toujours qu'on s'y intéresse. Par souci d'équité, nous publions ici la réponse d'Aero Innovation à votre lettre. — N.D.L.R.

Cher Monsieur Greenhill,

Vos commentaires sur la façon dont les pilotes décident d'effectuer un vol ou non sont en eux-mêmes intéressants mais ils n'expliquent pas pourquoi certains pilotes, malgré leur expérience, les calculs de risque et un plan de vol, ne savent pas reconnaître une spirale lorsqu'elle se produit, ni pourquoi ces pilotes braquent le manche à fond dans le sens du virage jusqu'à percuter le sol (un fait établi par des enregistreurs de vol). Aux États-Unis, ce type d'accident se produit plus de deux fois par semaine et arrive parfois à des pilotes très expérimentés et très bien formés.

Il nous semble, au-delà de la simple logique, que c'est pour nous un devoir de chercher à améliorer un instrument mal conçu si cette amélioration peut permettre d'éviter que des pilotes ne s'engagent par inadvertance dans une spirale et leur donner la chance de reconnaître une spirale et de savoir quelle procédure utiliser pour en sortir. Il ne s'agit pas là d'un simple problème de formation, car nous pouvons tous être, tôt ou tard, sujets à cette saturation mentale qui fait que nos réactions instinctives ne sont plus régies par nos compétences aéronautiques et notre formation passée (parfois lointaine). C'est à cet ensemble de facteurs que l'on donne le nom de « facteurs humains ». Je vous remercie de nous avoir fait part de vos commentaires sur le sujet.

Jean LaRoche
Président d’Aero Innovation

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Nous tenons à souligner le soutien financier du gouvernement du Canada tout particulièrement le Fonds des nouvelles initiatives en Recherche et sauvetage (FNI RS)